Ephémérides de juillet

Ephémérides de juillet

2 juillet 1865 : Naissance à Halberstadt de Lily Braun, féministe,
sociale-démocrate nietzschéenne et philosophe allemande. Née Lily
von Kretschman, elle épouse en secondes noces Heinrich Braun en 1896,
alors qu'elle est devenue militante socialiste enthousiaste. Elle
publiera deux revues de combat, l'une purement socialiste, Die neue
Gesellschaft, et l'autre, socialiste et féministe, Die Frauenbewegung.
Cette dernière revue prenait le relais d'un ouvrage théorique,
rédigé en 1901 et intitulé Die Frauenfrage où elle développe
l'argumentaire suivant : le capitalisme contraint les femmes à
travailler dans l'industrie et détruit, ipso facto, la famille, ce qui
implique de corriger le tir et de construire un socialisme capable de
réparer les dégâts. Sur le plan philosophique, Lily Braun est une
théoricienne de la négation, mais la négation ne doit pas servir à
détruire les fondements anthropologiques de la société, mais à
critiquer en permanence les superstructures pétrifiées. Elle plaidait
en faveur d'une juvénilisation permanente de la société et du
socialisme. Elle s'opposait au moralisme, souvent d'inspiration
kantienne, par qu'il avait des effets démobilisateurs. En 1914, elle
forge un patriotisme socialiste, opposé à la bourgeoisie française,
au capitalisme anglais et au despotisme russe.


5 juillet 1884 : Naissance à Baudach, près de Sorau dans la région
de la Niederlausitz (Basse-Lusace) de Joa­chim Kurd Niedlich,
philosophe allemand, dont les préoccupations concrètes étaient de
sauver le patrimoine national dans le cadre des réseaux de
"Heimatschutz". Cette activité le conduit à s'interroger sur le
sens et la teneur de la religiosité populaire allemande, qu'il s'agit
de restaurer dans sa plénitude pour assurer une véritable renaissance
nationale. Son intérêt pour la religiosité populaire le conduit à
explorer pendant de longues décennies le patrimoine mythique allemand
et à étudier les contes véhiculés par les populations rurales, comme l'avaient
fait avant lui les frères Grimm. Il participera, avec le prêtre et
théologien protestant Friedrich Andersen (cf. infra), à la fondation
du "Bund für deutsche Kirche". Il meurt en 1936.


11 juillet 1859 : Conférence de Villafranca. Cette conférence met un
terme à la guerre qu'avaient menée la France et le Piémont contre
l'Autriche. Cette paix était provisoire. Elle indique aussi
l'incertitude et l'indécision de Napoléon III. Il a déclenché cette
guerre pour ôter à l'Autriche-Hongrie sa façade méditerranéenne et
sa présence légitime sur le Pô, mais il négocie à Villafranca sans
ses alliés piémontais, car il craint qu'ils ne deviennent trop forts!
Il craint également que la Prusse ne profite de la présence des
meilleures unités françaises en Italie du Nord pour attaquer en
Lorraine et en Alsace. L'Autriche cédait la Lombardie à la France
(qui la donnait au Piémont) et l'Italie devait, en théorie, devenir
une confédération sous la houlette du Pape où l'Autriche, en vertu
des territoires italiens qu'elle possédait encore, aurait eu un droit
de regard direct. De même, les alliés traditionnels de l'Autriche en
Italie, les Ducs de Parme, de Modène et de Toscane devaient recevoir
en retour les apanages que les nationalistes italiens leurs avaient
ravis. Ces termes n'ont pas été acceptés par les nationalistes
italiens et Cavour, Premier Ministre, démissionne pour ne pas avoir à
entériner ce traité. Une fois de plus, dans cette affaire, la France
a fait le travail de l'Angleterre : à Vienne en 1815, l'Angleterre
avait insisté pour créer un "Royaume de Piémont-Sardaigne", afin
d'empêcher et l'Autriche et la France de dominer la plaine du Pô et
d'avoir accès aux deux bassins de la Méditerranée.

L'Angleterre, après la guerre de Crimée, craignait la
présence autrichienne en Méditerranée. Il fallait donc élargir le
royaume de Piémont-Sardaigne, soustraire son territoire à deux
puissances importantes, capables de le rentabiliser. L'unité italienne
a surtout servi à neutraliser les territoires italiens, à les
condamner à un certain sous-développement, de façon à laisser les
mains libres à l'Angleterre en Méditerranée et dans l'Adriatique. Le
fascisme annulera ce projet, qui a aussi, ne l'oublions pas, contraint
des centaines de milliers d'Italiens à émigrer vers les Etats-Unis ou
vers l'Argentine. Ces faits expliquent aussi les ambiguïtés d'un
Ciano, oscillant entre l'Allemagne et l'Angleterre, en 1938.


13 juillet 1841 : Naissance à Penzing près de Vienne de l'architecte
autrichien Otto Wagner. Il a combiné des éléments néo-classiques,
de l'architecture traditionnelle européenne et de l'école prussienne,
à de nouveaux infléchissements, mettant l'accent sur la fonction, le
type de matériel (on passe de la pierre au verre et au métal). En ce
sens, on peut le compter parmi les protagonistes de l'Art Nouveau,
comme Guimard en France ou Horta en Belgique. Il est entre autres
choses l'architecte de la gare de Vienne, très "Art Nouveau" à
cause de sa décoration, et de la "Banque postale des dépôts", de
Vienne, à l'architecture moins surchargée mais plus innovatrice, à
cause, notamment, de sa coupole de verre (semblable à celle que Horta
avait conçue pour le magasin "L'Innovation" à Bruxelles, détruit
par un incendie en mai 1967). Cette transition inaugure l'architecture
proprement moderne. Comme Horta, Otto Wagner a été largement
critiqué, à ses débuts, mais a réussi à s'imposer.


15 juillet 1614 : Mort en France du soldat et chroniqueur Pierre
Brantôme, abbé et seigneur de Bourdeille. Soldat de métier, il a
participé aux principales campagnes de son époque avec le Duc de
Guise en Italie, en Espagne, au Portugal, en Afrique du Nord et à
Malte. En 1584, il fait une chute de cheval qui l'handicape
définitivement. Il s'adonne alors à l'écriture, relate des batailles, écrit des récits de chevalerie et narre des scandales. Son
style est assez rude, mais ses mémoires, très volumineuses, nous
livrent une image assez précise de la vie des soldats, des chevaliers,
des dames galantes et de la cour à une époque où les raffinements
délétères et les mièvreries insipides n'ont pas encore exercé leurs ravages sur les esprits.


15 juillet 1741 : L'équipage du navire russe "Saint-Paul", sous
les ordres du Capitaine Alexis Tchirikov aperçoit pour la première
fois les côtes de l'Alaska. Tchirikov et ses hommes faisaient partie
de la seconde de deux expéditions maritimes dirigées par Vitus
Jonassen Bering pour le compte de la Russie. Il s'agissait de vérifier
si la Sibérie orientale était liée ou non par la terre à
l'Amérique du Nord. Les marins de Tchirikov découvrirent les premiers
une petite île au Sud-Est de l'Alaska. Le lendemain, Bering apercevait
le Mont St. Elias et l'Alaska proprement dit. Cette expédition donne
à la Russie un droit d'aînesse sur la propriété de l'Alaska.


15 juillet 1860 : Naissance à Genève du prêtre protestant allemand
Friedrich Andersen, qui officiera pendant toute sa carrière à
Flensburg, à un jet de pierre de la frontière danoise. Mais Friedrich
Andersen sera un prêtre hors du commun. En 1921, il fonde avec des
amis, dont J. K. Niedlich (cf. supra), un "Bund für deutsche
Kir­che" (= Ligue pour une église allemande). Son itinéraire est
intéressant à observer, dans la mesure où il récapitule en sa seule
personne, toutes les évolutions intellectuelles d'un certain
protestantisme nationaliste allemand. Il part d'une stricte orthodoxie,
passe ensuite à un libéralisme théologique extrême, pour aboutir à
un "christianisme allemand", rejetant l'Ancien Testament, se
focalisant sur la doctrine pure de Jésus et des évangiles et se
réclamant de Marcion (d'après les études de Harnack sur Marcion). La
référence à Marcion a souvent servi de base à un christianisme
souhaitant se détacher de ses matrices proche-orientales pour le
consolider par des éléments issus de la culture vernaculaire locale
(africaine en Afrique, amérindienne en Amérique ibérique, germanique
dans le Nord de l'Europe, celtique en Irlande, etc.).


16 juillet 1950 : Le théologien, germaniste et historien Reinhold
Wulle meurt à Gronau en Westphalie. Né en 1882, il avait embrassé la
carrière de journaliste en 1908 et prit la direction du célèbre
Deutsche Zeitung, fonction qu'il exercera entre 1918 et 1920. Elu au
Reichtstag sur les liste de la DNVP nationaliste en 1920, il se
détache de son parti d'origine pour fonder avec son collègue von
Graefe le "Deutschvölkische Freiheitspartei" qu'il dirigera entre
1928 et 1933. Il s'opposera, à cause de son nationalisme de facture
libertaire, protestante, prussienne et bismarckienne, au nouveau
régime national-socialiste. Il a exprimé sa conception du politique
dans un ouvrage à la fois théorique et historique, Geschichte einer
Staatsidee (1935). Pour donner corps à son op­position nationaliste
à Hitler, il fonde, avec ses amis, la "Gesellschaft Deutsche
Freiheit" (= Société de la Li­berté Allemande), ce qui conduit à
son arrestation en 1938, puis à son internement dans le camp de
concentration de Sachsenhausen, où il restera jusqu'en 1942. En dépit
de cette opposition réelle au régime, les alliés interdisent le
parti qu'il constitue dès 1945, la "Deutsche Aufbaupartei". Cette
interdiction prouve que les opposants sérieux au national-socialisme
n'ont pas été tolérés par les puissances occupantes, qui
préféraient les démagogues et les idéologues écervelés, sans
épine dorsale historique.


19 juillet 1935 : Mort à Achern dans le pays de Bade du philosophe
moniste Arthur Drews, qui forgera une image germanique et
nietzschéenne du Christ (Der Christusmythe, 1900). Par ailleurs, il a
émis une quantité de réflexions pertinentes sur Richard Wagner,
Friedrich Nietzsche, Eduard von Hartmann et Plotin. Son objectif était
de rendre la religion plus conforme à l'esprit européen en général,
à l'esprit allemand en particulier. Bon nombre de ses ouvrages sont
parus chez l'éditeur Eugen Diederichs à Iéna.


24 juillet 1878 : Naissance à Warendorf en Westphalie de l'écrivain
et théoricienne féministe et folciste allemande Sophie Rogge-Börner,
qui épousera en 1910 le Général-Médecin Rogge, de la Kriegsmarine.
Elle consacera son existence au problème féminin dans la société
allemande. Elle se fera l'avocate d'une pensée de l'harmonie entre les
sexes, d'une polarité qu'il convient de garder équilibrée. Bien que
ne faisant pas partie du mouvement national-socialiste, elle fonde en
1933, l'année où Hitler arrive au pouvoir, une revue féministe, Die
deutsche Kämpferin. Parmi ses ouvrages figure An geweihtem Brunnen,
une histoire du mouvement des femmes allemandes à la lumière des
théories raciales, en vogue depuis la fin du 19ième siècle (et pas
seulement en Allemagne). Sa théorie de la polarité des sexes la
conduit à critiquer les théories unilatérales du matriarcat
pri­mitif, très discutées depuis Bachofen et réactualisées en son
temps par le Professeur Ernst Bergmann. De même, dès 1934, elle
s'insurge contre la nouvelle politique nationale-socialiste qui
autorise les femmes à exercer notamment la profession de juge. Sophie
Rogge-Börner estimait que cette politique qui déséquilibrait
l'harmonie et la polarité souhaitables faisait fausse route. A partir
de ce moment, elle adopte des positions très critiques à l'endroit du
nouveau régime, ce qui conduit à l'interdiction de sa revue en 1937.
Aujourd'hui, la théoricienne féministe et historienne du féminisme
allemand, Christine Wittrock, appelle à redécouvrir son œoeuvre,
notamment dans le livre Weiblichkeitsmythen. Das Frauenbild im
Faschismus und seine Vorläufer in der Frauenbewegung der 20er Jahre
(Francfort, 1983).


25 juillet 1893 : Naissance à Kuopio en Finlande du Général Kurt Martti Wallenius. A la fin de la première guerre mondiale, quand la
révolution bolchevique secouait la Russie, dont la Finlande faisait
partie, les Allemands arment et entraînent des "Corps de Chasseurs" pour détacher la Finlande du bloc soviétique en
gestation. Parmi les jeunes officiers de ces "Corps de Chasseurs",
Kurt Wallenius. Quand le mouvement nationaliste "Lapua" prend forme
en 1929-1930, il le rejoint immédiatement, mettant au service du jeune
mouvement ses compétences d'officier professionnel. Il est alors chef de l'état-major de l'armée finlandaise. Au départ de cet­te
position, il complote contre les gouvernements bourgeois et
socialistes. En octobre 1930, il participe, en coulisses, à une
tentative d'enlèvement du Président de la République, Stahlberg,
ennemi du mouvement Lapua. Chassé de l'armée après cet incident,
Wallenius est immédiatement nommé secrétaire général du mouvement.
En février 1932, il réunit des militants de Lapua et des militaires
nationalistes pour organiser une marche sur Helsinki, afin de démettre
le Président Svinhufvud de ses fonctions. Des indiscrétions
permettent à ce dernier de rassembler des unités loyales autour de
lui et de forcer les rebelles à la reddition. Wallenius fait trois ans
de prison. Il ne s'occupera plus jamais de politique.


28 juillet 1842 : Mort à Aschaffenburg du poète romantique allemand
Clemens Brentano. Il avait fait partie de la deuxième école
romantique allemande, celle de Heidelberg, qui met davantage l'accent
sur l'histoire et le folklore allemands. Cette école de Heidelberg
donnera les frères Grimm, qui exploreront le patrimoine légendaire
allemand (et danois) et jetteront les bases de la philologie germanique
moderne.


30 juillet 1870 : Mort du poète et journaliste norvégien Aasmund
Olafson Vinje. Il fut le principal propagateur de la nouvelle langue
norvégienne, le Nynorsk (= "Nouveau Norvégien"), basé sur le langage
des paysans et créée par Iver Aasen vers 1853. Vinje, lui même fils
de paysan pauvre, eut une existence difficile. En 1858, il fonde un
journal Dølen, où tous les articles sont écrits en Nynorsk. Grâce
à cette initiative, le peuple norvégien a reconquis sa langue et a pu
dépasser le stade dialectal.


31 juillet 1667 : Signature du Traité de Breda entre la France,
l'Angleterre, le Danemark et les Provinces-Unies. Il met fin à la
seconde guerre anglo-hollandaise (1665-1667), où la France et le
Danemark avaient soutenu la Hollande. C'était une politique
intelligente. Les Hollandais avaient prouvé leur supériorité sur
mer. Avec l'aide des autres puissances continentales, ils auraient pu
mettre un terme au développement anti-européen de la puissance
anglaise. A Breda, ils ont signé une paix hâtive, parce que Louis
XIV, ce criminel abominable, n'avait trouvé rien de mieux que
d'envahir nos provinces, ce que les Hollandais ne pouvaient accepter.
L'ambivalence criminelle de la France transparaît une fois de plus
dans cette affaire : elle avait l'occasion de faire sauter le verrou
anglais et de prendre sa liberté vers le large et vers le Nouveau
Monde. Non : cette perspective, la seule intelligente, comme l'ont
prouvé les victoires anglaises successives au siècle suivant, n'a pas
été exploitée comme il se devait. Louis XIV a voulu s'affirmer sur
le continent, y a semé le désordre, a ruiné l'Empire, s'est allié
avec une puissance foncièrement ennemie de l'Europe, l'Empire ottoman,
a ancré un ressentiment anti-français viscéral dans la mémoire des
Hollandais. L'Angleterre, conciliante et clairvoyante, fait des
concessions à la Hollande sur le plan commercial, l'englobant
définitivement dans sa stratégie continentale contre la France,
l'Allemagne et les puissances scandinaves. En contrepartie, elle prend
New York, le New Jersey à la Hollande et enlève à la France des
positions importantes dans les Caraïbes : Antigua, St. Kitt et
Montserrat. Le calcul anglais était intelligent, alors qu'avant cette
invasion des Pays-Bas espagnols par l'exécrable Louis XIV,
l'Angleterre n'en menait pas large, risquait de perdre définitivement
la maîtrise des mers au profit d'une alliance continentale de la
Norvège à l'Espagne, menée par une Hollande non encore inféodée au
monde anglo-saxon. Les Français font de ce dément de Louis XIV un
héros national, alors qu'il est le fossoyeur de la puissance
française en Amérique et sur l'Atlantique et le fossoyeur de la
civilisation européenne, vaincue au 20ième siècle par les
thalassocraties anglo-saxonnes. L'aveuglement en matières
géopolitiques a des racines profondes.

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